Trigger warning : Troubles du Comportement Alimentaire
G. n’est pas encore là. Je dépose mes affaires dans la chambre et m’affale sur le lit en soupirant. Alors que je repense au déroulé de la journée et que je me joue en boucle les scènes surréalistes que m’a fait vivre A., je l’entends soudainement arriver. « Allez va, tu ne peux rien y faire tout de suite. Ou plutôt, tu sais très bien ce qu’il te reste à faire. »
Je ferme les yeux et les serre fort, si fort que j’en ai le crâne qui cogne à s’en briser.
« Laisse-moi, tu sais que je ne veux pas te parler. Je ne peux rien y faire, tu l’as dit, alors va-t’en. Je veux être seule.
– Je ne t’empêche pas de l’être. Je te rappelle seulement que des solutions existent et que tu les connais.
– Je n’aime pas tes solutions. Je ne m’aime pas quand je suis tes conseils.
– Pourtant, ils te soulagent toujours. Mais c’est toi qui vois si tu veux rester dans cet état. »
Je me relève brusquement et le regarde droit dans les yeux, bouillonnante.
« Le soulagement que tu me promets ne dure que quelques instants, pendant lesquels je ne me contrôle plus. Tu sais très bien comment ça se termine », je scande, tandis que je tente de me convaincre moi-même de ma réponse.
Il se met à ricaner, bruyant comme à son habitude. De plus en plus fort. Je baisse les yeux en rougissant.
« Tu ne tiens jamais compte de mes émotions. Tu ne m’écoutes pas…, je murmure à demi-mots, en essayant de conserver une voix stable et assurée.
– C’est justement parce que je connais tes émotions et ce qu’il te faut que je te propose cela, me rétorque-t-il sèchement en resserrant son emprise sur mes bras.
– Tu me fais mal, je chuchote en me débattant. J’y vais, ne t’inquiète pas. Pas besoin de me suivre, s’il te plaît. »
Je me dirige vers la cuisine, fébrile.
« Il est là, regarde, me montre-t-il en m’emboîtant le pas sans respecter ma demande.
– Je l’ai vu, je réplique dans un haut le cœur.
– Qu’attends-tu ? Tu te dégonfles ? Tu préfères rester dans cet état ? On en a déjà parlé.
– Arrête ! Stop ! je me mets à hurler sans prévenir.
– Tu n’iras jamais mieux sans mon aide ! rugit-il de plus belle en me projetant contre le plan de travail. Prends-le ou tu le regretteras, me menace-t-il. »
Je sens les larmes rouler sur mes joues, impuissante. Ma main se tend, je saisis l’arme et me l’applique, lentement d’abord, puis de plus en plus vite. Je perds, comme à chaque fois, le contrôle de mon corps. Je m’abandonne, chaque saveur enveloppe mes papilles. Je ne m’arrête plus : j’en saisis une deuxième, puis une troisième. Lui m’épie, m’encourage, jouit même de mon désespoir.
« Continue ! halète-t-il, le regard fou. »
Je me retourne et m’apprête à le frapper comme je ne l’ai jamais osé, alors que je me transforme en flaque. La culpabilité me prend au cou et je m’arrête dans mon élan. Je constate, tremblante, les dégâts sur le comptoir de la cuisine.
Il rit, ne fait plus que rire et son sourire démentiel s’élargit sans fin.
« Qu’est-ce que j’ai fait… » je répète en boucle en portant la main à ma bouche.
La clé se fait entendre dans la serrure de la porte d’entrée, mais il est déjà trop tard : G. est entré et me regarde, sans comprendre.
« Tout va bien ? Tu parlais à quelqu’un ? »
Je porte les mains à mon ventre, honteuse. G. parcourt la pièce du regard : il a remarqué les restes de gâteau. Je m’écroule dans ses bras. « Je suis désolée, désolée… je hoquète.
– C’est moi qui suis désolé de ne pas l’avoir vu plus tôt. Je vais t’aider. On va le faire taire, mais pour ça, tu dois me laisser t’aider. »
Je lève les yeux vers G. « Tu étais au courant ?
– Non, mais aujourd’hui même, M. m’a parlé des Troubles du Comportement Alimentaire. Pardonne-moi : on le vaincra ensemble, ton démon. Je t’aime », sa voix se brise tandis qu’il me prend tendrement dans ses bras.
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